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Nous sommes Légion – Nouvelle de Science-Fiction

Planète résidentielle Terre, année 2916

Je remonte une rue plastifiée, bordée de pseudo arcologies qui bloquent la lumière solaire et me plongent dans une semi-obscurité angoissante. J’erre sans but réel. A un croisement, je rencontre enfin un homme vivant, famélique, au regard ravagé. Il me regarde, hébété, ramasse une barre de fer. Il s’approche de moi et je sais que je vais mourir.

Heureux.


Vaisseau fantôme en orbite autour de la planète prod’ 531, année 2890

Dernière vérification du matériel. Les kamikazes se remémorent les points clés de leur mission. La check-list mentale est cochée.

Ils sont huit – hommes et femmes – tous membres du Réseau Autonomiste contre le Grand Empire. Sam connaît peu ses compagnons et ne cherche pas à nouer d’amitiés. Il n’en aura pas le temps, de toutes les manières. L’époque puérile de la désobéissance civile est révolue, son sacrifice doit abattre le colonialisme galactique et la robiotique : il sera à la fois héros et assassin. Belle épitaphe en perspective.

Le vaisseau furtif s’est placé en orbite autour de la planète de production de matières premières n°531. Depuis l’espace, Sam distingue l’organisation hyper rationnelle des activités terrestres : un spatioport et ses hangars de stockage occupent le centre de ce qui ressemble à un cristal de neige, hexagonal. Ses branches sont formées de zones de production bien délimitées – ici du jaune indique des cultures de blé, là, du noir trahit l’extraction de schiste – qui entourent une usine de fabrication de robios. Ce motif cristallin recouvre tous les continents avec une large panoplie de couleurs. Un véritable code d’identification.

Vues de l’espace, ces unités de production semblent immobiles, figées. Sam sait pourtant que de plus près, il verrait la masse grouillante des robios, les échanges incessants entre les sites, ainsi que les navettes de transport. Celles-ci récupèrent les matières premières, à divers stades de transformation en fonction des besoins, et elles ravitaillent les planètes résidentielles où les hommes n’ont jamais aussi bien vécu depuis l’abolition de l’esclavage. Une organisation orchestrée avec brio, une usine folle où les robios jouent le rôle de la main d’œuvre bon marché. Le jeune homme grince des dents.

Le silence s’alourdit dans la cabine. Sam pense à sa famille, réduite à une mère et à une sœur plus jeune. Il espère qu’elles comprendront son geste désespéré, qu’elles y verront bien un acte altruiste de libération et non un attentat terroriste comme vont le présenter les autorités.

La voix du pilote retentit :

— Largage imminent, préparez-vous.

Un rush d’adrénaline secoue les entrailles de Sam. Dernière prière destinée à ses proches, afin qu’elles ne supportent pas le poids de ses obligations. Les responsables du RAGE l’ont assuré qu’ils les protègeraient. Le jeune homme peut se sacrifier avec honneur pour sauver l’humanité. Il s’installe dans son siège ovoïde, fixe les sangles, referme son casque. La porte de sa capsule se referme. Il attend.

— Bonne chance. Attention au départ.

Une secousse. Sam détend ses muscles, comme à l’entraînement. Par un petit hublot, il voit le premier de ses camarades entraîné vers le vide. Il tombe. Un autre suit, puis le troisième. C’est le tour du jeune homme.

La chute n’est pas violente, quelques perturbations légères le ballottent lorsqu’il rentre dans l’atmosphère. L’engin est indépendant, programmé pour atterrir à proximité d’un site d’élevage de robios. Au loin, les capsules de ses camarades rougissent. Soudain, l’une d’elles explose. Sam aperçoit un missile qui file sur une autre. Son cœur se serre. La planète se défend. Il croise les doigts, c’est tout ce qu’il peut faire. Son véhicule a détecté l’attaque, ses fusées lui confèrent une trajectoire pseudo-aléatoire qui secoue son occupant en tous sens. Sam voit le sol se rapprocher. Peut-être a-t-il une chance.

L’atterrissage lui coupe le souffle. Il reste une dizaine de secondes à l’intérieur, sonné. Enfin, il retrouve ses esprits, ouvre la capsule, s’en extirpe. Un édifice plastifié l’écrase par sa taille. Sam aperçoit les premiers robios de cette usine géante : humanoïdes pour la plupart, certains font moins d’un mètre, d’autres plus de deux. Des poilus, des griffus, des longilignes, des aveugles se côtoient dans une totale indifférence. Ils ne réagissent pas à sa présence.

***

Centre de surveillance de la productique, année 2890

Antoine joue en ligne sur ses heures de travail. Il n’éprouve aucun remord, bien au contraire, il est immunisé contre la culpabilité. Quand une alarme d’intrusion le sort de sa partie, il hésite à forcer la machine pour finir sa baston. Toutefois, le niveau d’alerte est élevé. Il grince des dents et se plonge dans les rapports.

Une attaque sur la planète prod’ 531. Rarissime. Le jeune homme fronce les sourcils, constate la destruction de six capsules individuelles. Les défenses ont bien fonctionné, même si Antoine se demande quel mal peuvent occasionner une demi-douzaine de gusses. Aucun risque qu’ils ne détruisent la planète. Leur survie ne peut pas excéder deux heures, même s’ils touchent terre : les nettoyeurs locaux y veilleront.

Le rapport indique l’atterrissage de deux engins. Les occupants ont survécu. Le jeune homme pense à sa partie qui va voir son avatar démembré par son adversaire. Il songe à ce poste de surveillant jusque là tranquille, sans histoire. Un bref effort d’imagination lui suffit : s’il respecte la procédure, il lui faut lancer et contrôler à distance une intervention sur place, sans compter son chef à prévenir – un homme autoritaire qui semble ne prendre de plaisir qu’en lui empoisonnant la vie. Antoine monitore plus de deux cent planètes prod’ et s’il avait dû respecter à la lettre ses ordres, il ne serait jamais devenu l’un des meilleurs joueurs du réseau. Ces gars ne peuvent pas faire grand mal…

Vingt secondes plus tard, le jeune surveillant écrase son adversaire alors même qu’il était à deux doigts de le vaincre.

***

Planète prod’ 531, année 2892

Je m’éveille.

Mes cheveux et mes poils sont collés par la moiteur du plasynthos dont je m’extraie avec peine. Je me sens… étrange. Faible aussi, tel le nourrisson que j’aurais pu être. Pourtant, je suis un homme adulte, formé. D’autres créatures semblables à moi sont expulsées de leur matrice et gisent par terre. Elles ne manifestent aucune curiosité, toutes identiques les unes aux autres et – j’en ai la conviction – à moi-même.

Une escouade de robios glabres et très grands nous assaillent pour nous redresser, nous nourrir, nous mettre en tenue. En moins de dix minutes, nous quittons l’usine à plasynthos pour intégrer les vergers. Nous sommes déjà prêts à travailler.

Mes gestes sont automatiques, précis, directs. Pas besoin de réfléchir. J’observe mes bras et mes mains qui bougent au point de me paraître flous. Les fruits s’entassent dans mon panier. Quand celui-ci est rempli, des robios de manutention, râblés, mus par l’instinct, viennent l’emporter et le remplacer par un vide. Je ne m’arrête même pas dans mon travail, l’échange s’opère sans heurt.

Je ne comprends pas pourquoi je me sens différent. Peut-être parce que je suis le seul à observer mes congénères ? Mon travail ne mobilise pas mon cerveau et me laisse tout loisir de tourner la tête à droite et à gauche. Visiblement, ce comportement m’est propre. Autour de moi, le monde m’apparaît comme diffracté par un cristal, superposition d’images identiques : des arbres semblables, croulant sous des fruits calibrés, ramassés par des humanoïdes clonés qui tiennent la même posture, avancent au même rythme que marque un tambour inaudible.

D’autres créatures passent dans nos rangs en cours de journée. Celles du matin. Notre vitesse a diminué, nous sommes moins efficaces. Le mot « fatigué » me vient à l’esprit. Les nouveaux venus nous plantent une seringue dans la cuisse à tour de rôle. Un instant après, la machinerie repart et nous sommes de nouveau aussi frais qu’à notre sortie du plasynthos.

Les jours se succèdent. Je réalise que si j’en perçois le passage, je n’en retiens pas le nombre. En fait, ma mémoire à court terme est mauvaise, endormie. Lors des nuits, nous sommes entassés dans des pièces nues, après un repas concentré et insipide. J’ai tenté de communiquer avec mes congénères, mais j’ai rencontré deux soucis : ma gorge ne me permet pas d’émettre de sons intelligibles et, de toutes les manières, mes cotravailleurs ne réagissent pas à mes stimulations.

Je suis unique.

Je me réveille un matin et j’éprouve une nouveauté, tandis que nous nous dirigeons en troupeau vers un verger vierge. J’ai la sensation de rêver, alors même que je travaille. Est-ce un souvenir ? J’aimerais bien. Je ramasse de petits fruits ronds et doux, mais en superposition, je vois mes mains ramasser des fruits rêches, plus oblongs. C’est intéressant. Ca me change des camarades inertes qui m’entourent.

Les jours passent, un certain nombre. Les rêves deviennent de plus en plus présents : je ramasse en même temps des dizaines de fruits différents, c’est une impression si bizarre… D’un autre côté, je me sens dilué. Parfois, je crois vivre plusieurs vies que j’ai bien du mal à départager. Par contre, j’éprouve un sentiment nouveau : l’angoisse. Les arbres portent moins de fruits et ce constat me perturbe. Mon corps y réagit avec violence et je sais que bientôt, je vais devoir agir.

***

Centre de surveillance de la productique, année 2893

Un message d’alerte holographique clignote tandis qu’une sonnerie retentit. Marc est jeune et vient de prendre cette place peu convoitée de surveillant. Son prédécesseur a été licencié pour faute.

La planète prod’ 531 pose un souci de fonctionnement. Le jeune homme sort de formation et applique la procédure à la lettre : il commence par visionner le journal de suivi de cette planète. La dernière annotation remonte à trois ans : une attaque avortée des terroristes du mouvement RAGE. Marc se souvient d’attentats perpétrés par ces fous pour mettre à mal le système de production basé sur les robios. Des passéistes extrémistes, de l’avis du jeune homme. Leur réseau a été démantelé, ses membres éliminés, condamnés à mort avec la bénédiction de l’opinion publique.

Le surveillant ne voit pas le lien entre ces actes terroristes et le dysfonctionnement qu’accuse une unité de récolte de fruits. A moins d’un sabotage ? Des robios semblent défectueux et ne réagissent pas entièrement selon la programmation de leur instinct. Marc ne prend pas de risque : il ordonne la mise au rebut de toute la série de clones ainsi que la destruction de leur plasynthos. Aussitôt, il rédige une note à l’attention de son superviseur. Marc aime le travail bien fait.

***

Planète prod’ 531, année 2893

Mes rêves sont de plus en plus nombreux, des visions m’assaillent à chaque instant. J’ai comme l’impression que ma conscience s’élève… Je m’occupe toujours de cueillette, mais je suis comme en plusieurs vergers à la fois. C’est étonnant, quoique pas désagréable.

Nous sommes à la mi-journée quand je vois arriver dans mon secteur une escouade armée de lance-flammes. Je reconnais ces objets de destruction et je comprends : ma différence va entraîner la destruction de tout le troupeau d’esclaves. Je découvre un sentiment nouveau, la colère, qui actionne comme une mécanique complexe en moi. Un pas de plus vers l’étrangeté. Une cascade d’événements chimiques parcourt mon corps. Stimulus. Réaction en chaîne. L’instinct joue son rôle et une partie de mes zones d’ombre se livre à la lumière.

Je sais ce que je dois faire.

Je hurle en pensée une alerte à mes co-rêveurs et lance le signal de la réplication. Ils cessent immédiatement toutes leurs activités. Déjà certains remarquent l’arrivée d’autres robios de désinfection dans leur verger. Mon esprit gagne en clarté, j’observe « d’en haut » mon corps et ceux des autres robios étranges. Nous partageons une même conscience.

Nous quittons en courant nos lieux de travail, vol de moineaux égaillés dans un ciel immense. Certains de ces « nous » tombent sous le feu purificateur. Les autres continuent leur course erratique. Nous courons, sans but immédiat mais nous ne fuyons pas. Davantage de nous tombent, quelques uns parviennent jusqu’aux hangars des plasynthos où ils ont été fabriqués, d’autres atteignent la zone de production voisine. Nous sommes légion, même si nos effectifs chutent. Nous comptons nos survivants. Trois douzaines, puis une dizaine. Nous ne sommes plus que quatre.

Nous voyons autant de pupitres de commande d’usines plasynthos. Quatre lieux différents aux installations identiques. Devant nous, dans une cuve sous verre qui nous paraît familière, un humanoïde sert de modèle au clonage des robios issus de l’ingénierie génétique. Nous sommes quatre à pénétrer ces cuves et à perdre conscience, tandis que nous contaminons le système.

***

Centre de surveillance de la productique, année 2893

Marc a lancé la procédure de nettoyage mais la réaction des robios a été incompréhensible. Ils se sont sauvés, comme s’ils savaient ce qui les attendaient. Impossible. Le jeune surveillant n’arrive pas à croire les données du rapport. Il visualise de nouveau les vidéos holographiques qui ne laissent pourtant planer aucun doute.

Des robios ont acquis une certaine autonomie et ont fui devant le danger.

Impensable ! Il n’a pas encore eu le temps d’expédier sa note au superviseur et maintenant, il hésite. Il consulte le manuel d’urgence, ne trouve aucun cas qui ressemble de près ou de loin à ce dont il est témoin. Tendu, il finit par perdre la trace des centaines de robios autonomes disséminés. Marc aime le travail bien fait, mais il aime aussi beaucoup disposer d’une paie correcte et d’une carrière toute tracée. La décision lui coûte, mais il décide de passer l’incident sous silence et se contente d’une petite annotation dans le journal de bord.

***

Planète prod’ 531, année 2895

Je m’éveille. De nouveau.

Je suis seul, mais pas pour longtemps. A peine ai-je le temps de commencer mon travail dans une mine de fer qu’un autre « nous » naît. Puis un autre, et encore un. Nous ne partageons qu’une seule conscience tandis qu’ils attaquent leur travail aux vergers et moi à la mine.

Le temps passe, notre légion gonfle. Nous sommes plus discrets car désormais, nous le savons : nous sommes différents. Pas besoin de le montrer. Pas encore, du moins. Nous sommes patients. Par vagues, nous quittons de temps en temps nos activités pour nous diluer dans de nouvelles usines de plasynthos. Nous sommes moins souvent détruits tandis que nous nous approprions des centres plus névralgiques : agents de maintenance, guérisseurs, … Nettoyeurs. Nous nous disséminons partout, y compris parmi la population de manutentionnaires inter-planètes. Enfin, notre légion essaime ailleurs.

***

Centre de surveillance de la productique, année 2915

— Qu’en pensez-vous ?

— Je ne comprends pas, répond Guillaume à son superviseur. Mais je suis certain que ce n’est pas normal. Les robios ne sont pas censés pouvoir quitter leur travail assigné.

Le superviseur Frank Merk le sait bien, c’est justement ce qui l’inquiète. Il observe un instant son subordonné, arrivé à ce poste quelques mois plus tôt. Cela fait à peine cinq ans que Frank encadre le monitoring des planètes de production, et il a vu défiler les surveillants. Un poste tremplin au turn-over impressionnant.

— Présentez le journal de suivi.

Le jeune homme s’exécute. Une longue liste se matérialise dans les airs devant eux et le superviseur se sent grincer des dents. Les incidents s’accumulent depuis vingt-cinq ans sans que la hiérarchie n’en ait vraiment été informée. Par le passé, les surveillants ont tous joué les autruches. Frank analyse la situation en moins de trois minutes avant de contacter son propre supérieur à qui il déclare :

— Il faut en urgence détruire la planète prod’ 531.

Le RAGE a manifestement survécu à ses créateurs.

***

Partout, année 2915

Nous sommes présents sur douze planètes prod’. Ce seuil constitue un nouveau stimulus qui entraîne de puissantes réactions en chaîne dans nos organismes. Nous avons un nom.

Samaël.

Nous sommes un seul être multicorps, créé par le RAGE pour tuer l’immense société inter-planétaire qu’est l’empire humain.

Le jeune homme que j’étais – Sam – n’avait rien à perdre, l’humanité avait tout à y gagner. Le RAGE a décidé de combattre le Mal par le Mal et mon corps d’origine s’est soumis sans hésiter aux expériences des ingénieurs du réseau.

Désormais, nous contaminons leurs planètes, véritables organismes à part entière que nous avons la possibilité de détruire de l’intérieur. C’est l’avant dernière phase de notre développement pandémique. Sur la planète prod’ 531, nous déclenchons une révolution. C’est un test qui tourne à l’échec. Depuis l’espace, les hommes désinfectent notre hôte et ne laissent qu’une coquille vitrifiée. Ils n’ont pas conscience de notre présence à leurs côtés. Nous sommes leurs esclaves qu’ils ne remarquent même plus. Pour le moment.

Nous reprenons notre phase de réplication intensive. Nous avons réussi à prendre pied sur des planètes résidentielles, minées par le temps. Nous occupons tous les étages de la civilisation humaine. C’est la phase terminale de la maladie. Nous déclenchons la révolution. Le massacre.

***

Planète résidentielle Akera, année 2915

Dans son grand appartement de quarante mètres carrés, situé tout en haut de son arcologie, Julie se regarde dans la glace de la salle d’eau et vérifie la qualité de son maquillage. En retournant dans la pièce principale, elle s’attend à trouver la table du petit-déjeuner dressée. Rien. La porte d’entrée est grande ouverte et son RPS – Robio Polyvalent de Service – est absent.

La jeune femme peste. Le fait en soi est plus qu’inhabituel : cette génération de clones peut parler et répondre dans certaines limites, mais elle est dénuée de toute capacité décisionnelle. Quand Julie entend les hurlements dans le couloir, elle s’y précipite sans songer un instant à un quelconque danger.

La surprise la fige sur place, le temps que son estomac se contracte et lui renvoie un filet de bile dans le fond de la gorge. Des corps en sang gisent au sol. Pendant une fraction de seconde, Julie songe à ces films d’horreur où des malades mentaux tuent des dizaines d’innocents. Pourtant, ces troubles du comportement ont disparu depuis le dépistage systématique lors de la grossesse. Puis la jeune femme identifie les corps comme ceux de robios, plus ou moins semblables à son RPS. Le soulagement précède la peur. Elle bat en retraite chez elle et téléphone aussitôt à la police, tout en allumant son écran holo afin d’afficher les informations. La ligne est occupée et Julie doit patienter. Les images qui flottent dans son salon la stupéfient. La voix du commentateur descend du plafond :

— Aussi incroyable que cela puisse paraître, des milliers de robios se sont soulevés cette nuit, à travers toute la galaxie. Les clones s’attaquent à leurs congénères et aux plasynthos dont ils sont issus. Pour l’instant, ils ne nous menacent pas mais d’ores et déjà, des planètes prod’ ont été détruites afin de limiter la contagion. Les premiers éléments de l’enquête font état de manquements graves dans la supervision. Par ailleurs, les générations de RPS doté de la parole se sont auto-baptisés Samaël…

La police, submergée, ne répond pas.

***

Planète résidentielle Terre, année 2916

Je suis Samaël. Je suis seul.

La légion s’est attaquée aux robios ordinaires et aux plasynthos. Nous avons détruit sans regret notre propre système de réplication. La société humaine a perdu d’un coup ses travailleurs, ses matières premières. Beaucoup de planètes prod’ ont été détruites par les défenses spatiales, mais quand ils ont réalisé que nous étions partout, ils ont dû se résoudre à changer d’optique. C’était trop tard. Nous les avons coupés de leurs sources d’approvisionnement. Des milliards d’humains sont morts de faim. Seuls ceux qui ont fait le choix d’un retour à la terre – et encore faut-il que leur environnement le permette – vont survivre. Ceux-là nous ont pourchassés et éliminés.

Je suis le dernier des robios. Ironie du sort, je me trouve sur la planète qui a donné la vie aux hommes. Bien que je sois une aberration, une parodie d’être humain, si fort est mon instinct de conservation que je ne peux me suicider. Comme tout clone, ma constitution me rend très résistant à la faim et à la soif. D’autant que tout autour de moi se trouvent des corps putréfiés qui alimentent sans souci mon organisme.

Je remonte une rue plastifiée, bordée de pseudo arcologies qui bloquent la lumière solaire et me plongent dans une semi-obscurité angoissante. J’erre sans but réel. A un croisement, je rencontre enfin un homme vivant, famélique, au regard ravagé. Il me regarde, hébété, ramasse une barre de fer. Il s’approche et je sais que je vais mourir.

Heureux d’avoir libéré l’humanité.


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