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BNF, ISBN, Diffusion et Distribution : le casse-tête de l’auto-édition

Ça y est. Je ne suis plus un auteur auto-édité.

Désormais, je suis un auteur. Et je suis un éditeur.

Et ce n’est pas tout : je suis aussi un distributeur. Et un diffuseur.

J’en sens certains qui sont perdus… Pas de panique ! Le but de ce billet, c’est justement de lever le voile sur les dessous complexes des métiers du Livre. Et je vous rassure : ça ne change RIEN à ma production littéraire.

En vrai, je suis désormais référencé en librairie, et aussi à la FNAC. Tout ça parce que j’ai arrêté de me présenter comme auteur auto-édité, mais que désormais, je m’assume en tant qu’éditeur… même si je ne publie que mes propres ouvrages. La nuance est importante, on va y revenir.

Et franchement, c’était toute une aventure administrative, et pas des plus passionnantes… Vous voulez quand même connaître les dessous de la distribution et de la diffusion en librairie ? Il vous suffit de lire ce qui suit…

 

Le Dépôt Légal et l’ISBN

Pour respecter la loi française, tout roman imprimé et publié « hors du cercle familial ou d'amis » doit faire l’objet d’un dépôt légal auprès de la BNF – Bibliothèque Nationale de France.

Très franchement, il vous suffit d’aller sur le site https://www.bnf.fr/fr/centre-d-aide/depot-legal-editeur-mode-demploi : tout y est parfaitement expliqué, ce n’est pas très compliqué et c’est obligatoire.

Pour pouvoir procéder à ce dépôt légal, il faut un ISBN.

En tant qu’éditeur – et l’auteur auto-édité EST un éditeur – tu as deux possibilités.

  1. Si tu es auteur auto-édité, il y a de grandes chances que tu travailles avec Amazon. Auquel cas, Amazon peut te fournir gratuitement un ISBN. C’est ce que je fais depuis 2019.
  2. Ou alors, tu peux contacter l’AFNIL et demander une liste d’ISBN pour tes futurs ouvrages. Là, c’est payant, ce n’est pas excessif, mais quand même. Et puis il faut patienter quelques semaines.

Bon, Amazon, c’est un GAFAM, et avec les GAFAM, on le sait, mais on se fait toujours avoir : « si c’est gratuit, c’est toi le produit. »

Certes, l’ISBN d’Amazon est gratuit. Mais il faut bien comprendre ce que c’est que cet ISBN : c’est une numérotation sur 13 chiffres, la norme internationale des codes-barres, qui permet d’identifier :

  • Une zone linguistique
  • Un éditeur
  • Un ouvrage de cet éditeur.

Donc quand tu prends un ISBN Amazon, tu travailles sous la marque éditoriale… d’Amazon. Et pas la tienne. Tu es à 100% un auteur auto-édité… mais tu n’es pas éditeur du point de vue des acteurs français ! Du coup, quand j’ai voulu m’inscrire sur DILICOM (c’est la société qui permet de faciliter les échanges et le partage de données entre les acteurs du secteur Livre grâce à une infrastructure mutualisée), 1ère étape pour pouvoir intégrer les catalogues des libraires, il a fallu communiquer la racine ISBN qui correspondait à ma maison d’édition… Autant dire qu’en fournissant un ISBN Amazon, on m’a gentiment envoyé paître.

Donc un ISBN « gratuit » Amazon signifie que tu n’es pas considéré comme un vrai éditeur, tu te bloques au final l’accès aux librairies, et ça, c’est moche.

Pour #instakill, j’ai donc rétropédalé au moment où je n’avais que 2 commentaires sur le roman : j’ai dépublié le broché avec ISBN Amazon, et j’ai recréé un nouvel article sur Amazon avec l’ISBN… de ma « maison d’édition » (ça ne pose aucun souci chez Amazon !). Plus exactement, un ISBN de ma marque éditoriale YHP. Je remercie d’ailleurs chaleureusement Eloïse et Gaëlle qui ont été adorables et qui ont remis leur commentaire sur la nouvelle référence…

marque editoriale YHP yoan h padines
Marque éditoriale YHP

Donc un premier conseil : COMMANDE DES ISBN À L’AFNIL ET N’UTILISE PAS L’ISBN AMAZON !

Voilà, ça, c’est dit.

Cela étant fait, je suis devenu pleinement « éditeur » et j’ai enfin pu procéder à mon enregistrement sur DILICOM. Et puis sur la FNAC. Et du coup, maintenant, c’est magique, je suis référencé, par exemple sur la librairie Eyrolles !

Attention : DILICOM, c’est une plateforme professionnelle, qui permet de créer des échanges entre les acteurs du Livre. Entre les lignes, cela signifie qu’il peut y avoir des échanges commerciaux, et il faut donc fournir… un numéro de SIRET ! C’est-à-dire disposer d’une structure juridique pour signer le contrat. Idem pour la FNAC. Donc il faut anticiper : lors de votre demande d’ISBN à l’AFNIL, il faut faire celle-ci à travers la structure juridique qui va accueillir votre activité d’édition.

C’est ce que j’avais fait, donc désormais, les libraires peuvent me trouver… J’y suis référencé… Super ? Non. C’est totalement insuffisant.

 

LE nœud du problème : la Diffusion et la Distribution

Le nerf de la guerre de la vente de romans en librairies, c’est la Diffusion et la Distribution

Ce sont deux métiers liés, et pourtant très différents.

C’est quoi la Diffusion dans l’édition ?

C’est un métier de Commercial, qui consiste à « placer » les romans en librairie. Entendre « convaincre le libraire de mettre un roman en rayon ».

Le Diffuseur va argumenter auprès des libraires pour qu’ils acceptent de mettre un roman en rayon, et en tant qu’auto-diffuseur, bah, le commercial, c’est moi !

Cela peut se déléguer… Mais les finances le permettent difficilement, c’est un sujet compliqué !

C’est quoi la Distribution dans l’édition ?

Hé bien, cela correspond à un double métier :

1. Un métier de logisticien entre un stock et une librairie, qui consiste à livrer les romans : c’est lui qu’on appelle Distributeur

2. Un métier de commerçant qui vend directement au particulier, c’est la livraison « au dernier mètre », c’est lui qu’on appelle… Libraire

Être référencé en librairie ne signifie pas y être physiquement présent

instakill reference chez eyrolles librairie

Voilà, je suis donc référencé en librairie… ce qui ne veut pas dire que mes livres y sont présents !

Il me reste à prendre mon bâton de pèlerin et à convaincre un libraire de me prendre des exemplaires… sur lesquels je vais lui laisser une marge conséquente. Marge qui oscille en fonction des talents de négociation du Diffuseur, entre 20 et 40%. Autant dire que c’est un taf colossal et chronophage ! Perso, mon objectif, c’est plutôt d’être commandable par les libraires, sur la base de demandes de lecteurs…

Du coup, si j’ai une commande, il faut donc que je rejoigne mon stock – ça, c’est facile, il est dans mon bureau – dont je retire un ou plusieurs exemplaires, que je vais livrer au libraire. Et là, il va falloir effectuer la livraison, c’est-à-dire jouer le rôle du Distributeur. Deux possibilités :

  • Livraison par mes soins
  • Livraison par La Poste

Parlons de #instakill : le roman est vendu 14€ TTC, soit 13€27 HT. L’impression du broché me coûte environ 4€, à laquelle s’ajoute une marge libraire à 30%, soit environ 4€. Il reste donc… 5€27.

Un colissimo postal, c’est 8€50 pour un exemplaire seul dans un emballage à bulle. C’est mort. Avec les tarifs de La Poste annoncés pour 2022 et vu le poids de #instakill – environ 450g avec son emballage – il faut ABSOLUMENT que le libraire me prenne 2 exemplaires minimum, sinon, je perds de l’argent. Et à 2 exemplaires, je gagne 1€22 sur chaque exemplaire. Autant dire beaucoup de travail pour que tout un tas de gens (sauf moi) gagnent de l’argent, à commencer par La Poste, le plus grand gagnant de l’opération.

Autre solution, je pourrais livrer directement les exemplaires, avec ma propre voiture. Si je ne valorise pas mon temps et que je suppose que mon véhicule me coûte 0€30 au kilomètre – on est bien en dessous du barème fiscal ! – cela me laisse un budget de 9 km aller et retour… Y a pas de libraire aussi proche de chez moi. Les premiers sont sur Angers, à 30 km, donc c’est minimum 60 km, soit un coût de 18€ : à moins de 4 exemplaires déposés chez le libraire – angevin ! – je perds de l’argent.

Dernière solution : passer par un Distributeur : il prend entre 11 et 12%. Soit environ 1€50. Cela devient intéressant, sauf que…

 

La notion de « compte ferme »… ou pas

Le monde de l’édition est particulier. Les libraires n’achètent pas les ouvrages des éditeurs. Ils achètent les ouvrages vendus

Oui, si des ouvrages livrés ne sont pas vendus, non seulement, ils ne te sont pas payés, mais en plus, ils te sont réexpédiés. À tes frais. Sauf si tu as négocié un compte ferme, donc sans retour. Faut quand même que le Diffuseur soit un très bon négociateur, là : les libraires n’acceptent habituellement pas ces conditions, ce n’est pas l’usage de la profession.

C’est d’ailleurs l’un des avantages d’être référencé à la FNAC (ce qui nécessite juste de disposer d’une racine ISBN d’éditeur !) : ils pratiquent le compte ferme… mais ils prennent 40% de marge… Je vous laisse faire les comptes.

Du coup, il va falloir payer le Distributeur pour les retours éventuels… ou aller chercher les ouvrages invendus. Ou encore laisser les exemplaires invendus prendre la poussière dans une obscure réserve de la librairie ; les libraires ont horreur de ça, et ça se comprend. C’est pour ça qu’en général, ils n’aiment pas beaucoup le dépôt-vente… C’est horrible, mais ça revient moins cher de brûler les livres invendus que d’aller les chercher…

Bref, en cas de retour des invendus, la maigre marge dégagée est complètement mangée.

 

La marche à suivre pour être un auteur éditeur – et non un auteur auto-édité qui est refoulé par toute la filière, les mots ont leur importance – il faut donc :

  1. Une structure juridique, un SIRET
  2. Une racine ISBN d’éditeur à toi, commandée auprès de l’AFNIL via ta structure juridique
  3. S’enregistrer sur DILICOM (et autres)
  4. Engager une démarche de Diffusion et de Distribution

L’avantage d’Amazon pour les auteurs auto-édités, c’est que la plateforme fait office d’imprimeur, de diffuseur, de distributeur, de libraire et même de postier.

L’inconvénient, c’est le côté enfermant de ce confort quand tu te contentes de l’ISBN gratuit d’Amazon : tu mets alors tous tes œufs dans le même panier, celui d’Amazon… et tu t’interdis ultérieurement d’autres possibilités de Diffusion et de Distribution. D’ailleurs, pour AAA, mon best-seller, je suis très embêté : changer d’ISBN sur Amazon, c’est perdre les 133 commentaires qui valorisent le roman, un risque que je ne suis pas prêt à prendre à ce jour…

Mode « Rumeur ON » : il paraîtrait qu’Amazon travaille pour diffuser/distribuer en librairie. Je lui souhaite du courage, tant son image au sein de la profession des Libraires est catastrophique. Mais si cela arrivait, ce serait bien entendu une petite révolution pour l’auto-édition.

 

Pour ma part, j’ai fait le choix de me présenter comme éditeur (même si ça ne me change rien au quotidien) pour pouvoir référencer #instakill en librairie… mais ce n’est qu’un début. Si vous souhaitez commander #instakill en librairie, vous aurez compris que pour vous faire livrer un seul exemplaire, je suis totalement perdant. Le top, ce serait de convaincre la librairie de prendre au moins 4 exemplaires… et idéalement en compte ferme ! Tout en essayant de convaincre vos amis d’acheter les trois autres exemplaires. Bref, être auteur-éditeur-distributeur-diffuseur, ce n’est pas un multi-métiers facile ! Sauf quand les lecteurs jouent le rôle du Diffuseur… À bon entendeur !

 

PS : un grand merci aux personnes qui ont permis de rendre cet article meilleur et d’y apporter nuances et compléments ! En l’occurrence, David, Lily, Isabelle, Sienna et Gaëlle 😊

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